Actualités

Harcelé jusque dans sa tombe

le mardi 23 juin 2015
Modifié à 0 h 00 min le 23 juin 2015
Par Denis Bourbonnais

dbourbonnais@gravitemedia.com

Le présumé criminel de guerre nazi Vladimir Katriuk aura été victime de l’acharnement du gouvernement russe de Vladimir Poutine qui a récemment voulu extrader le résidant d’Ormstown même s’il avait été blanchi par les autorités judiciaires canadiennes en 2007.

L’apiculteur âgé de 93 ans est décédé sur son lit d’hôpital, le vendredi 22 mai, une quinzaine de jours après l’avis de recherche lancé par Moscou pour retracer l’Ukrainien d’origine. Le nonagénaire a subi un accident cérébrovasculaire (ACV) à son domicile du rang des Dumas au cours de la nuit du 15 mai et son état de santé s’est détérioré jusqu’à son dernier souffle. Il s’est éteint à 7h35, le matin du 22 mai 2015.

Sonija Hart, qui a connu suffisamment Vladimir Katriuk pour le considérer comme son grand-père d’adoption, affirme que ce traitement injuste aura finalement eu raison du vétéran de la Seconde Guerre Mondiale. Domiciliée à Ormstown non loin de la modeste maison où habitait le vieil homme avec son épouse, Maria Stephanie Katriuk, la femme de 33 ans est catégorie: le dernier épisode de la longue saga entourant les fantômes du passé de Vladimir Katriuk a été fatal.

«Après la demande d’extradition, il était troublé, stressé et même angoissé. Il parlait dans son sommeil, selon ce que son épouse Maria m’a confié», décrit Sonija Hart, qui est restée au chevet de Vladimir durant ses derniers jours de vie à l’Hôpital Barrie Memorial. Herboriste de formation, elle a développé un lien d’amitié très spécial dès ses premiers achats de miel chez l’éleveur d’abeilles en 2005. 

L’apiculteur lui fournissait le matériel brut (miel, propolis, cire) pour sa pratique d’herboristerie qui consiste en la préparation et la commercialisation de plantes médicinales ou de produits dérivés. En retour, Sonija lui procurait des pommades, onguents et tisanes, notamment pour soigner des rhumes et ses genoux meurtris par son métier de boucher qu’il a exercé à son arrivée au Canada en 1951.

«Au fil des années, un attachement s’est créé. J’étais très proche de lui et Maria. Pour moi, c’était grand-papa Vlad», affirme Sonija Hart. «Dès la première rencontre, j’ai remarqué dans le regard de Vladimir qu’il y aurait quelque chose de spécial entre les deux. Je pense qu’il la considérait comme la fille qu’il n’a jamais eue», a corroboré le conjoint de Sonija Hart depuis une dizaine d’années, Frédéric Blanchette.

Attristée par la mort de son héros, Sonija Hart vit son deuil difficilement et elle a mouillé les yeux à quelques reprises au cours de l’entrevue accordée au Journal. Vladimir Katriuk avait une santé relativement bonne avant la dernière quête des Russes pour l’amener devant un tribunal et ce récent chapitre l’a conduit dans sa tombe.

«Vladimir a payé le prix ultime pour un geste politique. Les Russes cherchaient un bouc émissaire et ils ont eu sa peau», déplore-t-elle. «Aucune preuve n’a été retenue contre lui en rapport avec les événements survenus en Biélorussie en 1943.  Il a été innocenté en cour au Canada.»

Vladimir Katriuk ne s’est jamais caché qu’il s’est battu pour les forces ukrainiennes nazies durant le second conflit mondial. «Les Ukrainiens devaient faire un choix entre les Soviétiques de Staline et les Nazis de Hitler. Vladimir avait une allégeance au Reich car les Russes n’aimaient par les Ukrainiens. Il devait s’engager pour un côté ou l’autre. Ce n’était pas sa faute, c’était la guerre», a exprimé Sonija Hart.