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Santé

Atteinte d’une maladie neurodégénérative rare

le dimanche 23 octobre 2022
Modifié à 13 h 39 min le 21 octobre 2022
Par Audrey Leduc-Brodeur

aleduc-brodeur@gravitemedia.com

À son désarroi, Karine Lévesque n’est pas admissible à une place en CHSLD, car elle est encore autonome dans ses gestes, explique-t-elle. (Photo: Le Reflet – Denis Germain)

«Une personne en état d’ébriété dont la démarche vacille.» «Une batterie de cellulaire qui se décharge à mesure que la journée avance.» «Un caméléon forcé de s’adapter à sa réalité.» Karine Lévesque ne manque pas d’expressions colorées pour décrire son quotidien en tant que personne atteinte d’ataxie.  

Cette maladie neurodégénérative attaque notamment l’équilibre, la dextérité manuelle et la parole, tant le débit et l’intonation que la formulation des idées. Pour les besoins de l’entrevue, la résidente de Saint-Constant n’a pas pris de risque.

«Je cherche souvent mes mots, alors j’ai préparé des notes pour que mes propos ne soient pas décousus», confie-t-elle, le sourire aux lèvres.

Ce n’est pas qu’elle manque d’assurance en public non plus. Cette ancienne enseignante au primaire qui ne peut plus aujourd’hui pratiquer son métier en raison de sa maladie aime socialiser.  

«Je me tiens occupée comme je peux. J’essaie de faire une sortie par jour. Je fais du bénévolat auprès de l’Association des personnes handicapées de la Rive-Sud Ouest à La Prairie. Ça garde mon intellectuel actif», explique celle qui réside à temps plein chez ses parents pour une question de sécurité.

«Comme la coordination de mes mouvements est aussi atteinte, une chute est vite arrivée. Si je tombe, je ne suis pas capable de me relever toute seule. Je peux rester au sol pendant des heures», révèle-t-elle.

Malgré ses appréhensions sur le déroulement de l’entrevue, Mme Lévesque s’ouvre avec aisance sur sa réalité.

«Je suis rendue à un point dans ma vie où je suis assez confortable pour en discuter, ce qui n’était pas le cas au début. J’étais jeune et trop de choses arrivaient en même temps», admet-elle.

Les deux pieds dans la même bottine

Ce sont ses parents qui sont témoins de ses premiers symptômes, à l’automne 2014, alors qu’ils l’hébergent à leur condo en Floride. Soudainement, ses promenades dans le sable deviennent pénibles.

«J’avais l’impression d’avoir les deux pieds dans la même bottine», se souvient la Constantine âgée de 37 ans.

Puis, lors d’une soirée de danse – une de ses activités favorites –, ses doutes se concrétisent.

«J’étais incapable d’y aller, je trouvais cela très étrange», partage-t-elle.

En consultation, son médecin de famille penche pour la sclérose en plaques, alors que le neurologue est catégorique sur son diagnostic d’ataxie.

Puisque cette maladie se décline sous plusieurs formes, le défi est plutôt de déterminer laquelle a envahi le corps de Mme Lévesque. Les examens révèlent qu’il s’agit de l’ataxie de la Beauce. Son cervelet présente une atrophie, l’un des signes typiques de cette forme.

«J’ai littéralement un délai de trois secondes entre mon cerveau et mes jambes. Il n’existe aucun médicament ou traitement pour en guérir», fait-elle savoir.

«Mais je suis chanceuse dans ma malchance, s’empresse-t-elle d’ajouter, optimiste. Cette forme évolue moins rapidement que les autres. À ce jour, je n’ai pas encore de trouble cognitif.»

Qui plus est, on lui a prédit qu’elle se déplacerait bientôt en fauteuil roulant, mais huit ans après son diagnostic, elle est encore capable de marcher et de conduire.

«Je suis moi-même épatée de tout ce que je peux accomplir», admet-elle.

La résidente de Saint-Constant attribue ses succès à son mode de vie actif. Celle qui pratiquait une multitude de sports avant la maladie s’est tournée vers leur forme adaptée. La voile, le vélo et le yoga, notamment, font encore partie de son quotidien, mais différemment. L’équitation thérapeutique l’apaise.

«Ce n’est pas vrai que je vais m’asseoir sur le divan et laisser le temps passer», déclare Mme Lévesque.

Son chien Mira est cependant indispensable à ses déplacements.

«Il remplace ma marchette, résume-t-elle. Il m’accompagne dans les escaliers, par exemple, et me sert de rampe. Il prévient mes chutes.»

Espérance de vie

La trentenaire n’a pas de gêne à aborder les effets de la maladie sur son espérance de vie.

«Une personne atteinte d’ataxie a généralement une espérance de vie moindre, mais je fais tellement d’efforts pour me sentir bien. Puis, l’évolution de cette forme est lente, ce qui fait que je pourrais vivre aussi longtemps qu’une personne qui n’a pas cette maladie», rappelle-t-elle.

Par le biais d’Ataxie Canada, la Constantine amasse des fonds pour appuyer la recherche.

«Si seulement un traitement existait pour stopper la progression de la maladie et stabiliser la condition…» laisse-t-elle tomber.

Après une heure à échanger, Mme Lévesque jette un coup d’œil à ses notes, car elle s’inquiète de ne pas avoir fait le tour complet de l’ataxie. Elle lance l’idée de partager son histoire dans les écoles; pas de doute qu’elle est déjà prête.

«Je veux être la voix des personnes handicapées qui n’en ont pas, affirme-t-elle. J’ai un message d’espoir que je souhaite livrer à tous. Les premiers temps, tout paraît noir, mais ensemble, on peut s’aider à y voir plus clair.»

«J’ai eu le gros lot des maladies, tous mes muscles sont touchés!»

-Karine Lévesque, atteinte d’ataxie

Maladie génétique

L’ataxie de la Beauce est une maladie héréditaire, génétique et dégénérative, avec une atrophie du cervelet. Les parents de Karine Lévesque étaient tous deux porteurs du gène anormal, sans le savoir, confirme cette dernière. Cette forme porte le nom de la Beauce, puisqu’elle a été observée pour la première fois au Québec dans cette région, en 2006, explique Ataxie Canada. La maladie fait généralement son apparition à partir de la trentaine.