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VIDÉO - Une ville de la Montérégie devra euthanasier des cerfs de Virginie

le dimanche 15 novembre 2020
Modifié à 9 h 00 min le 13 novembre 2020
Par Geneviève Michaud

gmichaud@gravitemedia.com

Bien que la Ville de Longueuil multiplie les actions depuis quelques années pour contrôler la population de cerfs au parc Michel-Chartrand, on en retrouve aujourd’hui plus de deux fois trop pour la capacité de ce parc-nature de 1,85 kilomètre carré. Une opération de contrôle ponctuelle est donc prévue au cours des prochaines semaines. La Ville prévoit ainsi la capture et l’euthanasie d’une partie de la population de cerfs du parc Michel-Chartrand. Elle assure que cette opération de contrôle est «éprouvée en saine gestion de la faune et se réalisera dans le respect des normes sur le bien-être animal». Longueuil rappelle que la surpopulation de cerfs a des impacts négatifs majeurs sur la régénérescence de la forêt, les plantations à venir pour contrer l’agrile du frêne, la biodiversité animale et végétale, les propriétés riveraines, le risque d’accidents routiers et la transmission de la maladie de Lyme. Qui plus est, la surpopulation est nuisible pour la santé des cerfs eux-mêmes. https://www.dailymotion.com/video/x7xeeo0 «Le parc Michel-Chartrand, qui regorge d’une grande diversité d’animaux et de végétaux, est une richesse collective qui fait la fierté des Longueuillois, mentionne la mairesse Sylvie Parent. Devant le constat actuel, la Ville se doit de prendre ses responsabilités et d’intervenir pour en assurer la pérennité.» La Ville précise que l’objectif de l’opération n’est pas d’éliminer la population de cerfs, mais d’en diminuer le nombre pour établir l’équilibre à un seuil acceptable. Alors que ce seuil idéal serait de 15 cerfs pour le parc Michel-Chartrand, un inventaire effectué en février 2017 en recensait 32. L’opération vise la capture et l’euthanasie du maximum d’une quinzaine de cerfs sur une population totale évaluée à une centaine sur l’ensemble du territoire de Longueuil. Valorisation de la viande Longueuil indique avoir obtenu toutes les autorisations nécessaires pour mener cette opération, dont un permis SEG pour la capture des animaux sauvages à des fins scientifiques, éducatives ou de gestion de la faune du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs et un certificat de bons soins aux animaux émis par le Comité d’éthique de l’utilisation des animaux. Un volet social de valorisation de la viande est prévu à la suite de l’opération, afin de limiter au maximum le gaspillage. La viande sera ainsi remise à Moisson Rive-Sud, qui la redistribuera aux banques alimentaires et organismes de dépannage alimentaire du territoire. «La valorisation des aliments est un enjeu que nous prônons et souhaitons mettre de l’avant», précise le directeur général de Moisson Rive-Sud Dany Hétu, tout en remerciant la Ville de ce don. Plan de gestion des cerfs Cette opération de contrôle s’inscrit dans le Plan de gestion de la population des cerfs de la Ville de Longueuil, dont le volet principal concerne la chasse au boisé du Tremblay. Permise depuis 2003, la chasse y est fortement encouragée depuis cette année par la Ville, et le sera pour les deux prochaines années, afin de contrôler la population de cervidés. Des protestations, mais la Ville fait bien selon un expert L'abattage des cerfs a suscité une vive opposition au sein de la population. Une pétition a même été mise en ligne afin de protéger ces bêtes. Par contre, on entend un différent son de cloche d'un scientifique. «C'est clairement ce qu'ils doivent faire», déclare Marco Festa-Bianchet, directeur du département de biologie de l'Université de Sherbrooke, quand on le questionne sur l'opération d'euthanasie de près de la moitié de la population de cerfs du parc Michel-Chartrand planifiée par la Ville de Longueuil. «Si la Ville ne fait rien, ils vont mourir de faim», poursuit le biologiste. Une population d'herbivores comme celles du cerf de Virginie se multiplie facilement dans un espace vert comme le parc-nature de Longueuil, où le climat est doux et où il y a peu ou pas de prédateurs, souligne le professeur titulaire en écologie terrestre. «Cette surpopulation aura des effets néfastes sur l'environnement, avance-t-il, en freinant la régénérescence du sous-bois et en compromettant l'habitat de différentes espèces, comme les oiseaux qui nichent au sol. Et ces effets négatifs vont se manifester bien avant que les cerfs meurent de faim.» Stériliser ou relocaliser ? Selon celui qui détient une maîtrise en zoologie et un doctorat en écologie comportementale, il n'existe pas vraiment d'autre solution que celle privilégiée par la Ville de Longueuil pour contrôler la surpopulation de cerfs de Virginie. «L'option de les relocaliser, qui cause un grand stress à l'animal, s'accompagne d'un risque élevé de mortalité», souligne-t-il. Il cite en exemple une récente étude menée en Colombie-Britannique démontrant que la moitié des cerfs d'une population relocalisée étaient morts en l'espace d'un an. «Et le tiers des survivants sont retournés en milieu urbain», ajoute-t-il. Si la possibilité de relocaliser les bêtes dans un refuge comme le Miller Zoo semble plus intéressante aux yeux du chercheur et professeur, elle s'accompagne tout de même d'un risque de mortalité, ainsi que de coûts élevés. L'option de la stérilisation – «très difficile et très coûteuse» – ne fonctionnera quant à elle que si au moins 80% des femelles sont opérées. Pourquoi les femelles? «Parce que les mâles vont venir de l'extérieur et que ça n'en prend qu'un pour féconder toutes les femelles.» «La stérilisation va donc fonctionner si la population est isolée, mais ce n'est pas le cas à Longueuil», précise-t-il. Introduire des coyotes ? La solution proposée par la députée de Marie-Victorin Catherine Fournier d'introduire des coyotes au parc Michel-Chartrand n'est pas viable non plus, selon Marco Festa-Bianchet. «Les coyotes ne s'attaqueront pas aux chevreuils en milieu urbain parce qu'ils ont accès à d'autres types de nourriture beaucoup plus facilement, indique-t-il. Ils peuvent également s'attaquer aux animaux domestiques comme les chats et les chiens.» L'argumentaire de la députée s'appuyait pourtant sur le Plan de gestion du coyote de la Ville de Montréal, datant de 2018, qui affirme que «dans les milieux ruraux, le coyote est un important prédateur de cervidés, et ce rôle semble pouvoir se transposer en milieux urbains». Opération à répéter Alors que la Ville de Longueuil souhaite ne pas devoir répéter cette opération d'euthanasie, Marco Festa-Bianchet croit plutôt qu'elle devrait prévoir des actions similaires aux trois ou quatre ans. «Ils ne vont pas régler le problème en en éliminant quinze cette année, affirme-t-il. Selon ce qu'on voit ailleurs, ce sera à nouveau nécessaire dans quelques années.» «Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne devraient pas le faire, poursuit-il. Et c'est très bien d'en enlever quinze plutôt que seulement trois ou quatre. Mais ce sera à répéter dans le futur.» «Longueuil ne souhaite pas devoir répéter ce genre d’opération, réitère la Ville au Courrier du Sud. C’est pourquoi l’augmentation de la pression de chasse au boisé du Tremblay est importante et récurrente.»