Opinion

Une richesse florale à préserver

le dimanche 21 avril 2024
Modifié à 9 h 45 min le 21 avril 2024

(Photo Audrée Bourdeau)

Le printemps est à nos portes depuis quelques semaines. Ah que c’est beau! Les bourgeons se réveillent, la neige a fondue pour de bon, le temps des sucres est à sa fin. Dans les forêts du sud du Québec, des dizaines de variétés de plantes printanières indigènes amorcent leur cycle de vie.

Certaines d’entre-elles, comme le Trille blanc, tapisseront bientôt le parterre forestier en grandes colonies, un vrai spectacle. D’autres seront parsemées ici et là dans un espace donné, comme l’Hépatique noble, avec ses coloris variés. Certaines seront tout petites, telle que la Claytonie de caroline qui peut projeter ses graines jusqu’à 60 centimètres! Et d’autres seront de plus grande taille, comme l’Uvulaire grande-fleur, avec ses élégantes fleurs jaune citron à l’aspect fripé. Certaines auront des caractéristiques vraiment spéciales!

Par exemple, la Sanguinaire du Canada a une sève de latex rouge sang et le Cypripède rose ressemble vraiment aux attributs masculin! Certaines seront éphémères, (leurs parties aériennes ne vivent que quelques semaines seulement) comme l’Érythrone d’amérique qui a des feuilles tachetées vert pâle et cuivre. Il y a tellement à dire sur les fleurs printanières forestières! 

Nonobstant toutes les caractéristiques spécifiques à chacune, elles ont un point commun : elles sont une richesse de notre patrimoine naturel.  Oh que oui! La flore printanière de l’est de l’Amérique du Nord est spéciale : par sa biologie, par son milieu de vie spécifique et par sa vulnérabilité. 

Effectivement, plusieurs de ces plantes sont d’une croissance lente, prennent des années avant de fleurir une première fois et sont d’une longévité exceptionnelle. Par exemple, les Trilles peuvent être centenaires! Pas étonnant que plusieurs espèces de fleurs printanières forestières soient considérées vulnérables selon la loi.

Ceci dit, ce qui est le plus majestueux, c’est de penser que ces plantes fleurissent si tôt dans la saison, que même les feuilles des arbres ne sont pas sorties. C’est que ces plantes ont absolument besoin du plein soleil printanier, moment qui ne dure que quelques semaines. Elles se dépêchent donc à faire leurs réserves et complètent leur cycle de vie en un temps record! Elles mettent de la couleur dans le parterre forestier avant toutes les autres plantes. 

On les retrouve principalement dans les érablières riches, et quelques-unes d’entre-elle dans les forêts mixtes et de conifères, ou dans des microclimats. Saviez-vous que notre territoire est l’un des plus riche de tout le Québec?

Cependant, les forêts offrant un milieu propice pour les fleurs forestières sont de plus en plus rares. 

La santé des populations est fragile, leur avenir est incertain. Tant de milieux naturels sont dévastés, piétinés par les machineries, détruites pour construire de nouveaux quartiers. Les forêts sont morcelées, isolées les unes des autres par des routes. Notre nature est polluée par toutes sortes d’humains ou d’entreprises. Les plantes sont arrachées à leur milieu pour notre plaisir horticole.

Saviez-vous que la majorité des plantes indigènes forestières retrouvées en centre jardin sont prélevées en milieu naturel? Bien sûr, je recommande d’ajouter des plantes indigènes dans nos aménagements paysager, mais pas n’importe lesquelles! Il y a une grande différence entre un Trille blanc et un Aster de la Nouvelle-Angleterre ou une Verge d’or. Le Trille prend 7 à 10 ans avant de fleurir et donc à se propager, tandis que l’Aster et les Verges d’or se retrouvent partout et sont faciles à cultiver et à reproduire. Le choix est facile.

Sachant tout cela, ne devrions-nous pas être davantage reconnaissants d’avoir encore accès à cette richesse florale et émerveillés? Quelles actions pouvons-nous prendre, individuellement et collectivement, pour protéger notre nature? Que voulons-nous laisser aux générations futures?

Bravo à tous ceux qui sont déjà dans l’action! Et aux autres, je vous invite à explorer votre milieu avec une nouvelle curiosité! Partez à la chasse aux trésors et découvrez notre magnifique et extraordinaire flore printanière! Dès la deuxième semaine d’avril, vous devriez être en mesure d’observer de 3 à 8 espèces par type de milieu, (forêts de conifères, érablières, forêts mixtes). Certaines sont plus hâtives que d’autres, ou ont une courte période de floraison : on gagne à y aller souvent! (Évidemment, le bon sens convient de ne pas les cueillir, ni les transplanter, ni modifier leur habitat.)

En espérant que vous ferez de belles découvertes et collectionnerez de l’émerveillement! Bon printemps à tous!
Audrée Bourdeau