Un ancien combattant fier d'être reconnu

«Nous avons longtemps été oubliés. Auparavant, on parlait de la guerre entre anciens soldats mais dès que des gens arrivaient, on arrêtait (d'en parler). C'était un sujet tabou. Heureusement, la perception a changé et aujourd'hui, ça fait du bien d'être reconnu pour nos efforts de guerre.»
Edgar Doiron, 94 ans, est allé au front pendant la Seconde Guerre Mondiale et il peut raconter en détail ses souvenirs du passé. Ayant participé au conflit de 1942 jusqu'à la libération de la Hollande en mai 1945, le résidant de Salaberry-de-Valleyfield se compte chanceux d'avoir survécu aux affres de la guerre.
Lors du débarquement en Normandie, le 6 juin 1944, M. Doiron a été atteint derrière l'oreille par un morceau d'obus. Son état de santé lui a tout de même permis de poursuivre le combat, ce qui n'a pas été le cas pour une soixantaine des quelque 300 membres du Régiment (North Shore) des Forces armées canadiennes dont il a fait partie.
«J'ai vu la mort de près à plusieurs reprises mais j'ai pu avoir une belle vie par la suite avec mon épouse et mes trois enfants. D'autres frères d'armes sont restés avec des séquelles. Certains n'entendaient plus, ne pouvaient plus s'exprimer ou ils ont eu des membres amputés», de relater le vétéran qui, en juin 2014, s'est rendu en France pour prendre part au 70e anniversaire du Débarquement en Normandie.
C'est lors de ces célébrations que l'homme natif de Shippagan au Nouveau-Brunswick a été témoin de grandes reconnaissances à l'endroit des vétérans. M. Doiron a eu l'honneur de lire l'acte du souvenir à la mémoire des combattants disparus, sur le site du cimetière de Bény-sur-Mer. «C'était spécial d'être honoré devant plus de 5000 personnes incluant des anciens soldats et civils», évoque-t-il, tout en affirmant que Stephen Harper a été le premier ministre canadien qui a respecté les vétérans le plus.
Malgré la victoire des alliés, les soldats n'avaient pas le cœur à la fête et le silence régnait en raison des nombreux disparus. Edgar Doiron reconnaît que son cerveau a souffert dans les années suivant son retour au pays en 1946.
«Il y a des blessures que tu ne peux pas oublier, des images difficiles à effacer», admet le nonagénaire, racontant que le bateau sur lequel il a fait la traversée de 11 jours vers la Normandie a été bombardé trois fois par les sous-marins allemands. Des reliques du conflits se sont manifestées dans le vécu de M. Doiron pendant l'après-guerre. «J'ai tombé sans connaissance en voyant un bœuf se faire saigner», se rappelle le vétéran, qui a délaissé un emploi dans la livraison de nourriture pour déménager au Québec.
En 1951, Edgar Doiron s'est établi à Salaberry-de-Valleyfield où il a travaillé pendant 36 ans à l'usine de fabrication d'explosifs devenue aujourd'hui General Dynamics.