Steppettes et cornemuse : Chantal Lamarre se «bricole» un variété en solo

Chantal Lamarre (Photo : gracieuseté)
Chantal Lamarre ne fait rien comme les autres. Pour son premier spectacle seule en scène Steppettes et cornemuse, elle a opté pour un cabaret, avec l’enfilade de numéros qui le caractérise : humour, réflexions, mais aussi danse et chansons. Bref, un «variété solo». Il fallait y penser.
«Je me suis demandé quel décor, quel écrin allait prendre le spectacle. Je savais que ce serait un fourre-tout avec plein de chapitres. Je me suis dit : mon dieu, le monde est tellement alarmant, je suis consternée, retournons à l’époque où il y a une sorte d’insouciance : les cabarets. Avant la télé, les gens allaient voir des numéros, qui n’étaient pas liés ensemble. Et c’est le prétexte pour faire des allers-retours.»
Car si elle emprunte des codes anciens dans la mise en scène, ce qu’elle aborde demeure de grande actualité.
«Je commence le show en donnant l’impression que je vais juste parler au monde de mon âge, mais au fond, je parle juste aux plus jeunes, poursuit-elle. Tout est en demi-teintes. Il y a un peu de mélancolie, y’a des affaires juste niaiseuses. Et j’essaie de trouver l’équilibre, alors c’est un vrai, vrai variété.»
Si les adeptes d’Infoman n’ont pas l’habitude de la voir danser, l’acolyte de Jean-René Dufort adore oser la «steppette» – elle décrit d’ailleurs Les Nonnes, comédie musicale dans laquelle elle joue cet été, comme un pur bonheur.
«J’ai mis des numéros de danse et des chansons, mais je ne suis pas chanteuse. J’avais envie de tout faire ce que je ne fais jamais. Ce n’est pas moi qui vais chanter dans un grand gala télévisé, mais une chanson que j’ai écrite, y’a juste moi pour la faire. Et il y a juste sur la scène que ça va prendre cette place.»
Ses marottes
Les enjeux qui l’interpellent auront sans doute des échos chez plusieurs spectateurs.
Chantal Lamarre (Photo : gracieuseté)
Se disant écoanxieuse, elle ne peut concevoir que la lutte aux changements climatiques descende dans la liste des priorités des gouvernements et que l’armement soit redevenu une préoccupation.
«Et être en négation qu’il y a des changements climatiques, ben crisse, je pense t’es fou, t’es lobotomisé!, s’emporte-elle. Et il y a toutes les contradictions : les plus riches, qui pourraient avoir un impact là-dessus, ils vont tous aux noces en jet privé… Le cœur me lève tout le temps, je suis tout le temps outrée!»
La condition féminine suscite chez elle le même genre de passion. Malgré les gains des dernières décennies, elle s’inquiète du retour du masculinisme, d’un «néopatriarcat», de l’«invisibilisation» des femmes. «Juste à côté, aux États-Unis, je m’excuse, mais the shit is in the fan!» lance-t-elle, avec sa verve colorée.
Elle parlera aussi dans son spectacle de ses enfants, de ses préoccupations, de la mort, de la vieillesse...
«Je peux en parler parce que j’ai les moyens, j’ai 62 ans. Je peux dire qu’on se «déflavoxe» à une vitesse incroyable. On ne se reconnait pas tout nu, on se voit dans le miroir et on voit notre mère et on se dit «Aaah tabarouette!» Et en même temps, c’est drôle…»
Des acolytes ont contribué à l’écriture de certains numéros.
«J’ai demandé à Olivier et Virginie Morin, qui sont des êtres exquis très drôles, d’écrire un guide de l’étiquette moderne. Ça, c’est une autre de mes marottes. Je trouve que le monde, y’ont pas d’allure… Les bonnes manières foutent le camp!»
« Chantal, come on! »
Au cours des dernières années, beaucoup d’artistes ayant une carrière bien accomplie, en télé notamment, se sont livrés à l’expérience d’un premier spectacle solo : Patrice L’Écuyer, Marc Messier, Christian Bégin, Jean-Sébastien Girard… Pourquoi ce saut dans le vide ?
Chez Chantal Lamarre, l’idée est relativement récente.
Elle a retrouvé la «grâce incroyable» de jouer au théâtre avec Les Nonnes, comédie musicale qui roule depuis 2019. La pièce fera d’ailleurs un arrêt au Théâtre de la Ville le 23 août.
«T’sais quand c’est l’affaire que t’aime le plus au monde, que t’as l’impression que t’es née pour faire cette affaire-là. Je n’en veux pas à ceux qui disent : hein, elle ? Elle chante et danse la claquette? Ils ne savent pas, mais c’étaient mes premiers élans, mes premières aspirations.»
Et pendant la pandémie, elle s’est grandement ennuyée des arts vivants. Alors quand les salles de spectacles ont rouvert, elle s’est gavée de théâtre. Parmi les pièces qu’elle a vues, beaucoup de show solo.
«Là je me suis dit : Chantal, come on! Dans la vie, ça t’est arrivé de générer des projets, de bricoler des patentes avec du monde. Ben là, fais-le avec du monde, mais pour toi seule, sans aucune autre prétention.»
Au moment de l’entrevue, il restait quelque 20 jours avant sa première représentation, le 31 juillet, qui lance une période de rodage. Si le rappel de cet échéancier lui a donné un petit coup, elle ressentait néanmoins une «bonne exaltation».
«Je sens une belle fébrilité. Je pensais être envahie d’un sentiment… de panique, que je ne serais pas à la hauteur. Et je l’ai eu au début. Je me réveillais dans un sursaut et je me disais «mais dans quoi [je me suis embarquée]? La vie pourrait tellement être plus tranquille. Mais pourquoi j’ai eu envie de faire ça, c’est justement pour pas que la vie soit tranquille. Aller réveiller une part de moi, aller voir si j’existais…»
«S’il y a une seule affaire qui me fait peur, c’est : tout à coup que je m’ennuie, toute seule, quand je me maquille… Qui va entendre mes niaiseries? Qui va me voir danser avec un pot de fleurs dans les caleçons?! Personne! Ça c’est un peu plate», dit-elle en riant.
En lançant ce projet solo pratiquement en même temps que se poursuivent les représentations des Nonnes, peut-être a-t-elle alors trouvé la bonne formule…
«Là je suis en bicycle et j’ai les deux pédales qui roulent tout le temps. Avec deux shows sur le feu c’est quelque chose, mais ça me fait plaisir. Je prendrai des vacances plus tard.»
Steppettes et cornemuse, au Théâtre de la Ville le 30 août.
Avec pas de pape
Les segments d’Infoman où Chantal Lamarre et Jean-René Dufort commentent les visites ou cérémonies du pape ou de membres de la royauté sont devenus un classique de l’émission. Mais pour elle, il n’est pas question de faire du recyclage.
«Les gens me demandent : vas-tu faire ça, vas-tu parler du pape ? Ça ne m’intéresse pas! Ça fait 25 ans que je fais ça à la télé. Et ça appartient à Infoman. Ça serait plate de faire ça sur scène. On dirait : elle est en train de mettre de l’eau dans le gaz.»