Saint-Anicet : prendre sa retraite… et garder un pied à l’école

Nathalie Legault (Photo : Journal Saint-François – Ali Dostie)
«Quitter ma deuxième maison.» C’est ce que représente la retraite pour Nathalie Legault, enseignante en deuxième année à l’école des Jeunes-Riverains de Saint-Anicet. Elle y aura œuvré pendant 28 ans.
J’ai beaucoup hésité, ç’a été long avant que je me décide. Mais j’avais mon 35 ans d’ancienneté, on peut prendre notre pension… Tu entends parfois des histoires, des choses qui arrivent… et on veut profiter de la vie», relate-t-elle.
«Mais je vais être dispo pour de la suppléance l’an prochain! Ils le savent, je veux continuer. Je vais connaitre les enfants pour quelques années encore…, ajoute-t-elle dans un même souffle. Je ne pars pas complètement, je garde un lien.»
La coupure sera donc moins nette.
Pour l’instant, les émotions sont encore vives. Les yeux humides, elle raconte avoir pleuré lorsqu’elle a fait parvenir ses renseignements à Retraite Québec en vue de cette nouvelle étape de vie. La dernière journée de classe sera chargée.
Enseigner, et faire la discipline
Pour chasser cette boule d’émotions dans la gorge, le Journal demande ce dont elle s’ennuiera le moins de sa vie d’enseignante.
«C’est sûr que c’est la discipline, cible-t-elle. Tu as le goût d’enseigner, mais tu es toujours en train de gérer de petits conflits d’enfants. Parmi les élèves, il y en a quelques-uns qui ont des troubles au niveau de la santé mentale, il y en a deux qui me font des crises, un autre déménage bientôt et il est très fragile : à la moindre petite affaire, il s’en va de la classe et il dit des gros mots et revient.»
Malgré la présence de techniciennes en éducation spécialisée, cela représente une lourde charge.
En contrepartie, la présence des élèves sera certainement ce qui lui manquera le plus. «Les voir progresser, voir qu’ils apprennent et réinvestissent des choses que tu leur montres, relève Mme Legault. Et mes collègues. On est plusieurs qui sont ici depuis plus de 20 ans. On a vécu bien des choses.»
(Photo : Journal Saint-François - Ali Dostie)
15 minutes d’attention
En ayant devant soi une enseignante qui cumule 35 ans de carrière, il est tentant de demander ce qui a le plus changé dans son métier. Sa réponse : la capacité d’attention des élèves.
L’enseignement magistral doit se faire à coup de très courtes séances.
«Après 10-15 minutes, ça bouge, ça joue avec la gomme à effacer… Ils ne sont plus là. Il faut les mettre en action.»
-Nathalie Legault
Cela change forcément la méthode d’enseignement qui inclut dorénavant plus d’ateliers, d’exercices en équipe. À la dernière période de la journée, les élèves sont beaucoup moins réceptifs et Mme Legault propose davantage diverses activités en alternance.
Cela dit, elle rejette une perception plus négative à l’égard de cette génération, que certains considèrent moins travaillante. «Des profs vont dire que les jeunes sont rendus un peu plus paresseux. Je n’aime pas ce terme. La plupart sont travaillants, mais il faut qu’ils soient en action.»
Malgré le nombre d’années scolaires vécues – elle enseigne aux enfants de ses anciens élèves! –, la passion de l’apprentissage et la volonté de concevoir des projets qui les stimuleront demeurent.
Questionnée sur son plus grand souhait pour l’avenir de la profession, elle cible l’implication des parents, qui a décliné avec le temps. «Souvent la moitié ou le tiers des élèves ne font pas leurs devoirs», se désole-t-elle, expliquant avoir beaucoup allégé cette tâche au fil des ans.
Malgré la semaine accordée pour compléter le devoir, il ne lui est pas rare d’entendre diverses excuses de la bouche des élèves, qui semblent venir des parents. «Il y a un désengagement un peu des parents. Ils veulent savoir pourquoi leurs enfants ont de la misère, mais ne font pas de suivi.»
«Maman!» et «Mamie!»
Peut-être que la retraite de Nathalie Legault arrive à point nommé, alors que le vouvoiement des enseignants sera obligatoire dès la rentrée. Elle se positionne contre cette mesure et craint qu’elle soit difficile à faire respecter au primaire, à plus forte raison dans un milieu défavorisé comme celui de son école.
Dans sa classe, pas de «madame Nathalie». Seul le prénom suffit, et même un «Nath» se fait parfois entendre. «Je prends à cœur mes élèves. Je les aime beaucoup et ils ont su me le rendre. Je suis comme leur mère, un peu», avance-t-elle. Au point où des élèves peuvent par mégarde l’interpeller par un «Maman!» ou un «Mamie!»
Si elle se dit une enseignante assez sévère, elle leur donne «tout ce qu’elle peut donner».
De mère en fille
Non seulement Nathalie Legault a transmis des connaissances à ses élèves, mais elle aura aussi su transmettre sa passion à sa fille, qui entamera une carrière dans l’enseignement, juste au moment où elle-même tire sa révérence.
Sa fille a décroché un stage dans une école d’Howick. Les élèves de leur classe – toutes deux de la deuxième année, ont établi une correspondance. En juin, les élèves de la fille ont rencontré leur correspondant de la classe de la mère.
«L’an prochain, elle aura sûrement un poste. Elle le saura en juillet», affirme Mme Legault avec fierté.
Pour sa part, comme aventure de retraite, elle s’est réservé un safari, qu’elle vivra avec son conjoint en novembre prochain. «Je voulais le faire en septembre, parce que j’ai peur de trouver ça dur, mais il n’y en avait pas disponible.»
Et elle entend bien planifier d’«autres petits projets», entre des jours de suppléance.