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Qui décroche de qui?

le mardi 06 décembre 2022
Modifié à 10 h 04 min le 06 décembre 2022

Marc-André Messier, directeur de la Maison de la jeunesse 12-17 de Valleyfield. (Photo Journal Saint-François : Archives)

D'abord, je félicite la journaliste de La Presse, Léa Carrier, pour la pertinence de son article publié le 4 décembre, « Lâcher l’école à 14 ans ». Je suis toujours attristé d'apprendre que des jeunes mettent prématurément sur pause leur parcours scolaire. Je suis directeur de la Maison de la jeunesse 12-17 de Valleyfield depuis 2017, et malheureusement, je vous confirme que le phénomène n'a pas fini de prendre de l'ampleur. Il faut y voir et ça presse!

Cela m'amène donc à poser les deux questions suivantes. Est-ce que ce sont les élèves qui décrochent de l'école? Ou bien, est-ce que c'est l'école qui décroche de ses élèves? Personnellement, je ne connais aucun jeune qui tend délibérément à bousiller sa vie. Sa déconnexion du système scolaire est symptomatique d'une profonde souffrance.

D’ailleurs, quand le ministère de l'Éducation aura-t-il l'humilité et la sagesse d'avouer que le cadre actuel, rigide et hermétique, ne correspond pas aux besoins de tous les élèves? C’est peine perdue d’essayer de faire entrer un carré dans un cercle.

Soit dit en passant, au Centre de services scolaire de la Vallée-des-Tisserands, les garçons présentent un taux de diplomation, après 5 ans, de seulement 52,4%. Du côté des filles, il atteint 65,2% (source : ministère de l'Éducation, 2019). Bon, une fois cette information assimilée, que doit-on faire comme société prétendument inclusive? Abdiquer n’est certes pas une option. Comme citoyens responsables, nous sommes tous imputables.

Faire une place aux milieux adaptés de scolarisation (MAS) Depuis peu, notre organisme est membre de l'Alliance des milieux adaptés de scolarisation du Québec (AMASQ). Penser en dehors de la boîte, innover et faire partie de la solution en proposant de la souplesse, voilà quelques-unes de nos aspirations. Une importante étude publiée il y a quelques jours, laquelle porte sur le public et l'impact des MAS au Québec, indique notamment que le taux de persévérance des élèves dans un MAS après une année de fréquentation est de 91%.

Parmi les nombreuses initiatives soutenues par notre maison des jeunes, il y en a une qui comporte des mesures d'appui en persévérance scolaire : l’aide aux devoirs avec tuteur, le camp pédagogique « Mission Boris » favorisant la transition 6e année et 1re secondaire, l’information scolaire, l’aide-conseil à l'implantation dans de nouveaux milieux et les fameux projets pédagogiques orientants (PPO) en persévérance scolaire et remobilisation sociale.

Le lab-école d'économie sociale en mécanique vélo, « Le Cheval de fer », qui est sur le point de voir le jour, est notre PPO le plus structurant. Le lab-école, qui prend la forme d'un milieu adapté de scolarisation, vise spécifiquement les jeunes de 16 à 24 ans, à la fois vulnérables, en rupture sociale (ou en processus de l’être) et dont l’estime de soi est très écorchée par la vie : traumas familiaux, dépendances, enjeux de santé mentale, isolement et jugement des autres.

Or, par le biais de la mécanique vélo et de la dimension entrepreneuriale du projet, nous extirpons l'ado, l'acteur principal de la démarche, de son quotidien plutôt morose pour le plonger dans un univers de tous les possibles. Notre intention est simple : remettre le jeune en action en nourrissant son estime de soi. S'il se sent capable, utile et compétent, plusieurs portes s'ouvrent devant lui, comme la poursuite de sa scolarisation, l'obtention d'un emploi valorisant et bien rémunéré, la recherche d'un logement abordable et l'adoption de saines habitudes de vie.

En terminant, évitons d’utiliser l’étiquette « décrocheur ». Cette désignation largement répandue dans le monde de l’éducation est offensante et elle ne sert qu’à stigmatiser davantage les jeunes. Privilégions plutôt les termes « pause », « temps d’arrêt », « mouvement de repli », « interruption momentanée » et « mise en veille ».

Permettez-moi de saluer toutes les initiatives qui visent à remettre nos jeunes sur les rails. Vous méritez toute mon admiration et mon empathie.

Allez, on ne lâche pas! Un jeune à la fois.

Marc-André Messier

Directeur de la Maison de la jeunesse 12-17 de Valleyfield

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