Faits divers
Justice

Michel Mercier, le juge du peuple

le mercredi 07 décembre 2016
Modifié à 0 h 00 min le 07 décembre 2016
Par Mario Pitre

mpitre@gravitemedia.com

Michel Mercier a grandi dans le milieu modeste du quartier nord à Salaberry-de-Valleyfield, ce qui ne l'a pas empêché d'accéder à la fonction de juge à la Cour du Québec, où il a présidé sa dernière cause le vendredi 18 novembre.

Dans son bureau du palais de justice de Valleyfield,  nous rencontrons le magistrat, issu de la pratique privée du droit criminel, où il a œuvré durant 16 ans avant d'être nommé juge le 7 novembre 1989.

Cette expérience du droit et ses origines ouvrières ont d'ailleurs fortement teinté les multiples décisions que le juge Mercier a rendues au cours des 27 dernières années. Tout comme son implication de longue date dans diverses organisations de la communauté campivallensienne.

Mais ça, c'était avant d'accéder à la magistrature, dit-il, une fonction qui lui a imposé une obligation de réserve. «Ce n'était pas évident au début car j'ai dû mettre fin à mon implication dans les Régates de Valleyfield et à mes fonctions d'arbitre dans la Ligue Récession. Le travail de juge n'est pas facile à apprendre, il faut l'assumer car tu vis dans la confrontation au quotidien et tu en viens à t'exclure; mais j'ai gardé certains vieux chums.»

Plus magnanime qu'implacable

Le milieu judiciaire reconnaît ses juges, selon qu'ils soient cléments ou sévères. Michel Mercier est de ceux qui favorisent la réhabilitation des criminels. «Dans mes 16 années de pratique d'avocat en défense et deux à la poursuite, j'ai rarement vu des gens totalement méchants et irrécupérables, dit-il. Mais le principal problème, c'est souvent les drogues ou l'alcool qui rendent le monde fou.»

Le nouveau retraité estime que la plupart des juges agissent comme lui, mais de façon différente, selon les circonstances des actes posés par les prévenus ou leurs aptitudes à retrouver le droit chemin.

Il rappelle qu'il avait condamné à la prison à vie un récidiviste de l'alcool au volant, Roger Walsh, accusé de facultés affaiblies ayant causé la mort d'une jeune femme, en 2008 aux Cèdres. Mais il a aussi imposé  au jeune Brandon Pardi une peine de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité, lui qui était accusé de conduite dangereuse ayant causé la mort de la petite Bianca Leduc, à l'Ile Perrot.

«Dans toutes mes décisions, les géniales comme les autres, je n'ai jamais voulu être ni clément, ni sévère, j'ai toujours voulu être juste», disait-il aux membres de la communauté judiciaire au terme de sa 3948e journée en chambre criminelle.

On reconnaît également au juge Mercier son sens de l'humour, voire son empathie envers les accusés à qui il devait ordonner une sentence. «J'ai toujours voulu profiter de ce moment où un accusé est pleinement réceptif pour lui expliquer  les raisons qui m'ont amené à cette décision. J'appelle ça mon 2 minutes du peuple . Parfois j'ai eu du succès, d'autres fois non.»

Le juge Mercier quitte ses fonctions au moment où le système de justice vit une sévère crise engendrée par les nombreux délais observés dans le traitement des dossiers. L'arrêt Jordan dans lequel ces délais sont invoqués, a permis la libération de certains criminels notoires.

À cet égard, il estime que les avocats, tant en poursuite qu'en défense, doivent travailler de pair pour limiter ces délais, sachant que ceux-ci profitent souvent aux uns comme aux autres.

Le départ du juge Mercier laisse la chambre criminelle du district de Beauharnois avec l'équivalent de deux juges et demi en poste. Le sien devrait être comblé d'ici son départ officiel prévu le printemps prochain. La ministre Stéphanie Vallée a annoncé mercredi la nomination prochaine et accélérée de 16 nouveaux juges au Québec.

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