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L’Halloween au Québec et ses origines irlandaises

le samedi 21 octobre 2023
Modifié à 13 h 01 min le 27 octobre 2023
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Shirley et Jerry Greenwood, déguisés, masqués et tenant des paniers à la main, sonnent à la porte d'une demeure, en compagnie d'un garçon du nom de Billy, pour la cueillette de friandises de l'Halloween. Le 2 octobre 1938. (Photo : Halloween, 1938, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds Conrad Poirier, Photo : Conrad Poirier) https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2845368?docsearchtext=Halloween 

Avec ses allures commerciales, il serait tentant de croire que l’Halloween est une fête aux racines américaines. Elles sont plutôt irlandaises. Les premières traces des célébrations du 31 octobre au Québec suivent l’immigration irlandaise et remontent au 19e siècle.

Une première mention de l’Halloween, écrite «All Hallow’s Eve», date de 1859 dans le journal Montreal Pocket Almanack. 

«S’il en était question dans un journal, ça sous-entend que c’était courant», nuance en entrevue Geneviève Pigeon, chargée de cours au département de science des religions de l’UQÀM, qui a coécrit un article sur l’histoire de l’Halloween au Québec, paru en 2017 dans Religiologiques.

«On retrouve très peu de traces écrites, il n’y a presque pas de témoignages, car c’était une fête populaire, qui se transmettait davantage à l’oral, de génération en génération», précise-t-elle. 

Au Québec, l’Halloween s’est initialement développée où l’on trouvait des migrants irlandais et écossais, soit dans la région montréalaise.

Et, toujours selon les preuves écrites, l’Halloween aurait été célébrée plus tôt chez la population anglophone que chez les francophones, pour qui l’Halloween est devenue davantage populaire dans les années 1960. 

De grosses farces et attrapes

Sortir déguisé en groupe et faire des farces, le soir, étaient déjà dans les mœurs en Irlande. En Amérique, cette tradition s’est poursuivie. Mais les mauvais coups de l’époque semblent bien loin de la simple mention «trick or treats» d’aujourd’hui. 

À l’Halloween, des étudiants de l’Université McGill sortaient dans la rue, chantaient et pouvaient aussi «déplacer les panneaux et les barrières métalliques, et, quelquefois même, pour immobiliser les voitures en mouvement», relate Mme Pigeon, dans l’article L’Halloween : de l’Irlande à Montréal. 

Le 3 novembre 1903, Le New York Herald rapporte que 80 étudiants de McGill se sont rendus jusqu’à Longueuil pour «s’amuser à faire des farces», mais les résidents du quartier n’ont pas entendu à rire et les ont poussés dans le fleuve. Résultat : une cinquantaine d’étudiants ont été blessés.

Le temps des morts

:Cette fête se célébrait aussi de manière différente selon les milieux et classes sociales. 

«Chez la bourgeoise, c’était surtout une fête confortable, à l’intérieur, on faisait des jeux. En milieu rural, les gens se promenaient de maison en maison», décrit la Longueuilloise Mme Pigeon, en entrevue.

Son article donne l’exemple de soirées écossaises où des concerts faisaient entendre des reel et des jig.
Et de nombreuses pratiques se tenaient le soir du 31 octobre chez les francophones. 

«Cette nuit-là était propice aux morts, qui revenaient sur terre avant minuit. Les enfants déguisés et masqués passaient de porte en porte afin de « quêter pour les âmes » ; en retour, on leur offrait des friandises», signifie l’article.
En entrevue, Mme Pigeon parle de cette période de l’année où «les frontières entre les morts et les vivants sont poreuses. Les gens allumaient des chandelles pour leur faire plaisir, pour ne pas être dans la noirceur».

En campagne, la Toussaint représentait la date limite de la période d’engagement des domestiques. Le 1er novembre, ils pouvaient quitter ou rester à la ferme. 

«L’Église a l’habitude de s’approprier des fêtes qui existent déjà, et de leur apposer un filtre chrétien. La Toussaint est une célébration des morts, sans cette idée qu’ils reviennent à la vie, mais pour célébrer leur souvenir», poursuit Mme Pigeon. 

Abondance

Si l’Halloween s’est transformée au fil des ans, certains symboles sont demeurés, à commencer par la notion d’abondance. 

«L’automne, c’est le temps des récoltes, où l’on fait des réserves. Et c’est lié à la notion de luxe», détaille la chargée de cours.

Une abondance qui a changé de forme au fil du temps, alors que des fruits et des noix pouvaient être au cœur de festivités, plutôt que les barres de chocolat et bonbons.

Une scène d’Halloween, le 6 octobre 1945. (Photo : Hallowe'en Scene, 1945, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds Conrad Poirier, Photo : Conrad Poirier) https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2832934?docsearchtext=Halloween 

 

La magie opère encore

Ses enfants ont beau être maintenant trop grands pour passer l’Halloween, Geneviève Pigeon ne boude pas son plaisir de s’imprégner de l’ambiance de sa fête préférée. Le soir du 31 octobre, elle prend de grandes marches à Longueuil, émerveillée devant les décors et les allées et venues des «Halloweeneux».

«C’est beau de voir que tout le monde participe. Même s’il n’y a pas de code, tout le monde comprend bien les règles. Et peu importe pourquoi on le fait, la magie est là!»