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La première voiture de Suzuki a 70 ans

Il y a 7 heures
Modifié à
Par Luc Gagné

Les concessionnaires Suzuki ont beau avoir disparu de notre paysage automobile avec le retrait de la marque, en 2017, l’histoire de ce nom ne s’est pas arrêtée là pour autant. Ailleurs dans le monde, au Japon, en Europe, mais aussi en Asie, le succès commercial de Suzuki, spécialiste des petits véhicules, perdure. Voilà pourquoi cette année, le constructeur est fier de souligner le 70e anniversaire de sa première automobile : la Suzulight.

Car c’est en automne 1955 que Michio Suzuki (1887-1982) a livré personnellement une Suzulight, sa première voiture de série, à une jeune médecin de sa localité qui effectuait auparavant ses visites à domicile à vélo. Mais à ses débuts, rien ne laissait entrevoir un avenir lié aux transports motorisés.

De charpentier à industriel

Ce charpentier devenu entrepreneur a d’abord fondé la Suzuki Loom Works à Hamamatsu. Dans cette ville située au sud-ouest de Tokyo, son entreprise produisait des métiers à tisser. De conception originale, ces métiers ont été parmi les plus populaires, du moins jusqu’à la fin des 40, époque tourmentée par la Seconde Guerre et suivie d’un important déclin dans l'industrie cotonnière mondiale.

Clairvoyant, Suzuki décide de diversifier les activités de son entreprise. Il se lance d’abord dans la fabrication de petits moteurs à essence, puis de véhicules légers motorisés.

Un moteur, une moto, puis une auto

En juin 1952, il lance le Power Free. Ce premier moteur de Suzuki, un monocylindre de 36 cc à deux temps, est conçu pour s’arrimer aux vélos. Pour répondre à une demande croissante des usagers de vélos, l’année suivante, il lance le Diamond Free de 60 cc. Ce moteur sera si populaire que le constructeur en produit bientôt 6 000 par mois.

L’entreprise est renommée Suzuki Motor Company en juin 1954, alors que le développement d’une première motocyclette va bon train. Puis, en mars 1955, elle fait son apparition sur le marché nippon. C’est la ColledaCOX, une moto animée par un moteur de 125 cc à quatre temps. Mais ce n’est pas la seule nouveauté que prépare Michio Suzuki.

Un projet mûri depuis les années 30

Déjà dans les années 30, Michio Suzuki entrevoyait le potentiel de fabriquer des automobiles. En 1938, il avait d’ailleurs fait quelques expérimentations avec une Austin Seven, un modèle européen qui avait joui d’une grande popularité. Mais le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale va mettre ces projets en veilleuse.

Puis, au début des années 50, il relance le développement d’une automobile avec une petite équipe d'ingénieurs, la plupart dans la vingtaine. Ces créateurs se penchent alors sur quatre modèles européens de conception récente : la Volkswagen Coccinelle et la Lloyd LP-400 d’Allemagne, de même que la Citroën 2CV et la Renault 4CV de France. Démontées et étudiées sous toutes leurs coutures, ces petites voitures seront à l’origine de la création de la Suzulight, à commencer par la Lloyd, comme en témoignent les similitudes esthétiques et techniques avec la Suzuki en devenir.

En septembre 1954 , six mois après le début des travaux de développement, deux prototypes à conduite à gauche inspirés de la petite allemande sont prêts pour des essais dynamiques. Comme le suggère la carrosserie longue de 2 990 mm, cette voiture va cibler le créneau des « voitures légères », celles qu’on appelle keijidōsha au Japon (les « kei cars »). La Suzulight demeure cependant plus courte que la Lloyd (3 200 mm) qui va largement inspirer sa conception.

Leur bicylindre de 240 cc à deux temps se révèle sous-performant pour une voiture de 510 kg. Il sera donc remplacé par un moteur de 359 cc développant 15 ch. La Suzulight sera d’ailleurs la première automobile nipponne dotée d’un moteur deux temps monté en position transversale, mais aussi la première à avoir un moteur avant qui entraîne les roues avant, comme la Lloyd.

De plus, pour l’époque, la suspension indépendante à ressorts hélicoïdaux des prototypes et leur direction à crémaillère font de cette voiture un modèle novateur au sein de l’industrie nipponne d’alors.

1955, l’année du début

La commercialisation de la Suzulight commence en octobre 1955. À cette époque, le constructeur produit à peine 3 à 4 voitures par mois, mais au début de l’année suivante, le rythme de la production atteint une trentaine d’unités par mois.

À ses débuts, le constructeur offre trois variantes : la berline à trois volumes (appelée SS à l’interne), une version commerciale à trois portes (d’abord appelée SL, puis SF) et une minuscule camionnette (SP).

Le succès mitigé de la berline et de la camionnette entraînera leur retrait de la gamme dès 1958. Dès lors, seule la version commerciale, plus pratique avec sa carrosserie plus spacieuse et la grande porte arrière qui donne à l’aire à bagages sera produite jusqu’en juillet 1959.

Cette variante sera d’ailleurs la plus populaire des trois avec 940 exemplaires produits jusqu’à l’arrêt de la production. Pour ce qui est de la berline, tout juste 43 exemplaires seront construits, alors que les historiens de la marque estiment que 30 à 50 camionnettes ont été fabriquées.

Une seconde génération de Suzulight, de conception et d’allure plus moderne, lui succédera en 1959 et obtiendra plus de succès, si bien qu’elle sera commercialisée durant presque dix ans.

Intronisée au Temple de la renommée

La première Suzulight occupe donc une place importante dans l’histoire de la marque et de l’industrie automobile japonaise. Voilà pourquoi, en 2008, le Temple de la renommée de l'automobile du Japon (JAHFA) lui a attribué le titre de « Voiture historique », les responsables de cette institution estimant que sa création « laissait entrevoir l'avenir des véhicules légers dans ce pays ».

Et cet avenir a bel et bien pris forme. Suzuki l’a rappelé en mars dernier, en annonçant qu’en soixante-neuf années et six mois d’activités dans le secteur automobile, ce constructeur a vendu 30 millions de véhicules au Japon seulement, dont environ 27,1 millions de kei cars. De plus, à l’échelle mondiale, ses ventes totalisaient environ 84,7 millions d'unités, l'Inde étant son deuxième marché en importance après le Japon avec environ 28,7 millions d’unités vendues. Et ce portrait ne se limite qu’aux activités du secteur automobile. Car Suzuki produit également des motos et une foule d’autres appareils motorisés.

Photos : Suzuki et Borgward/Archives Luc Gagné

Le texte La première voiture de Suzuki a 70 ans provient de L'annuel de l'automobile - Actualité automobile