François Charron
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La fin du Panier Bleu... Que devrions-nous faire maintenant?

le jeudi 29 février 2024
Modifié à 15 h 58 min le 29 février 2024
Par François Charron

ecrire@francoischarron.com

Un projet trop cher et trop lent

Triste que ce projet ait été marqué par la lenteur. Pourtant lancé en pleine pandémie, moment où on réalisait des miracles collectifs en peu de temps, le Panier Bleu a tout mis en place pour être un échec.

Lancé en juin 2020 sous forme d’OBNL financé par le gouvernement, ce grand projet de commerce électronique financé à plus de 22 millions (ajoutez un petit 6 millions pour les fermer proprement) n’aura été au début qu’une version moderne des pages jaunes ou de la Toile du Québec. Une simple (vulgaire) liste de marchands.

2 ans plus tard, en octobre 2022, la version transactionnelle voit le jour. Au total, à sa fermeture, 600 marchands proposaient un total de 250 000 produits dont 2500 Produits du Québec

1%... c’est le nombre de produits « bleus » qu’il y avait sur la plateforme bleue à sa fermeture.

Fin du Panier Bleu
Fin des activités du Panier Bleu - francoischarron.com

Pire, le Panier Bleu investissait une petite fortune en publicité sur Facebook et Google alors que les médias (y compris les sites web) d’ici peinent à survivre, car les $ de pubs vont de plus en plus vers ces géants. Qu’un « bleu » met du cash ailleurs que dans les médias « bleus…. », on repassera pour le « local ».

Trop peu, trop tard

Dans une de mes nombreuses doubles vies, j’ai longtemps milité pour le commerce d’ici en ligne. J’ai même fait ce que les Anglais appellent « Put your money where your mouth is ».

En 2016, j’étais alors cofondateur d’une entreprise d’hébergement web pour les PME (votresite.ca) que j’ai vendu en 2019.

On a lancé le centre d’achat virtuel Shooopping. Dès ses débuts en 2016 (soit 4 ans avant le Panier Bleu) nous avions 3000 marchands et plus de 400 000 produits. 

Financement public : 0$. Mon associé de l’époque et moi avons mis nos sous dans le projet qui nous aura couté environ 1 million de $. Énorme quand ça sort de ta poche et de tes REER, et rien quand on compare aux près de 30 millions qu’aura coûté l’aventure du Panier Bleu.

  • 2016: Shoooping = 3000 marchands, 400 000 produits, subvention 0$.
  • 2024: Panier Bleu = 600 marchands, 250 000 produits, subvention 28 millions $.

Pire, j’ai déjà même offert au Panier Bleu de leur donner ma plateforme pour qu’ils soient transactionnels plus rapidement. Je voulais faire un don à la société. Sans même analyser la solution pour peut-être dire que c’était de la bouette (ce que ce n’était pas, lol). Ils n’ont pas fait de suivi à mon offre!!!

Difficile de se mobiliser

Pas facile de mobiliser le Québec. On est une drôle de race sur la terre.

Au lancement de mon centre d’achat virtuel, j’ai fait une tournée du Québec. On est allé voir tout le monde, dans toutes les régions.

Chaque fois qu’on demandait l’appui de la Chambre de commerce locale ou d’un organisme de développement économique, on nous fermait trop souvent les portes. On ne demandait pas d’argent, on demandait de mobiliser les marchands locaux et de nous mettre en lien avec eux dans l’espoir de créer un vaste mouvement. Seuls les SADC/CDE et quelques rares CLD ont relayés les infos et nous ont aidé à rencontrer les commerçants de la place.

Un des problèmes du Québec inc. et son modèle de Chambres de commerce régionales et les organismes d’aide au développement régional est justement le mot « régional ». Ça donne comme triste résultat que l’Abitibi ne veut pas faire la promotion de commerçants du Saguenay et la Beauce ne veut rien savoir de la Mauricie et que l’Estrie ne veut pas qu’on achète dans Lanaudière. Et que dire de Québec qui ne veut rien savoir de Montréal...

Google m’a permis de mettre la main sur le calendrier de conférences que j’ai faites lors du lancement. Des conférences qu’on devait souvent organiser nous-mêmes et souvent en ayant contre nous les organismes et médias locaux. On a vraiment tenté de faire une vaste mobilisation provinciale.

Calendrier des dates de tournée pour Shoooping.ca
Calendrier de tournée du centre d’achat virtuel Shooopping - francoischarron.com

Le Québec ne veut malheureusement pas d’un Panier Bleu

Depuis toujours et encore plus depuis la pandémie, il est de bon ton de faire la promotion de l’achat local. Promotion qu’on fait en jasant autour d’un bon repas entre amis le samedi soir en revenant de notre tournée de magasinage chez Winners, Walmart et Costco pour compléter ce qu’on n’a pas acheté en ligne durant la semaine chez Amazon!

On dirait une opinion, mais ce n’est qu’un fait. La réalité. La fatalité.

On se donne bonne conscience en ayant pris quelques produits du Québec à l’épicerie, mais si les légumes du Mexique ou même de l’Inde sont moins chers, ce sont eux qui se retrouveront sur la table.

Amazon a gagné la guerre

Quand j’ai lancé mon projet de centre d’achat virtuel et quand le Panier Bleu a tenté sa chance, plein de gens on dit : « ça ne sert à rien, Amazon a gagné ».

J’ai le goût de rappeler que seulement 46% des achats en ligne au Québec se font chez Amazon. Ça reste quand même un beau 54% de part de marché dans lequel on peut aller se battre. Je suis même surpris du chiffre avancé: 7% des ventes en ligne au Québec se seraient faites sur le Panier Bleu selon le dernier NETendances. J’ai plus l’impression qu’on parle de popularité/notoriété, mais bon.

Conclusion et constatation : Il y a de la place pour de tels projets… encore!

Le géant se lance dans le Made in Québec

Pour faire bonne image ou pour booster ses ventes, Amazon a fait une entente avec Produits du Québec. On y voit maintenant des logos fleurdelisés avec des mentions Fabriqué au Québec ou Conçu au Québec.

Même Amazon n’en fait pas un succès immédiat. Faut faire le tour des commentaires en ligne suite à l’annonce de cet ajout pour constater que trop de Québécois disent : « bon… Amazon va être cher, c’est trop cher les affaires faites au Québec » et certains/trop d’anglophones du Canada font du Québec bashing en disant « Thank you Amazon, we now know what not to buy ».

On n’est pas sortie de l’auberge!

Guérir du défaitisme collectif

Le Panier Bleu a été mal géré, très mal géré. Je crains cependant qu’ils aient à tout jamais brisé quelque chose.

Chaque fois que des Québécois voudront se mettre ensemble pour créer un projet numérique collectif, ils se feront dire « vous n’allez pas nous faire un autre Panier Bleu – ajouter ici un gros rire gras de mononcle ».

Je nous souhaite qu’on soigne notre défaitisme collectif.

Il y a de la place pour des regroupements de marchands en ligne. Il y a de la place pour des Marketplaces thématiques, provinciaux et/ou régionaux.

53 cents dans la piastre ne vont pas chez Amazon, c’est une belle part de marché à viser.

Le panier Bleu a brûlé… il ne reste que des cendres. Mais sans un bon incendie, il n’y aurait pas de bleuets.

Je nous souhaite de plein de champs de bleuets poussent en ligne et que le commerce électronique d’ici contribue à sortir nos commerçants du rouge.