Identité nationale : les régates rassemblent les Canadiens

OPINION. Des élections provinciales s’en viennent le 1er octobre prochain. Plusieurs d’entre nous se font du mauvais sang et s’alarment à l’idée que les CAQuistes pourraient chasser les Libéraux du pouvoir. D’autres vivent le moment présent et vont aux courses. Vous vous rappelez il y a une quinzaine d’années de la tension politique qui régnait sur nos têtes? Les Péquistes risquaient d’être portés au pouvoir dans la Belle province, d’autres brûlaient un drapeau québécois à Brockville lors de la cérémonie de la fête du Canada au début juillet, et chacune des deux provinces se tenait prête à sauter au combat pour promouvoir et défendre son idéologie identitaire. Les temps ont changé. Je peux vous le dire, et ce depuis quelques années, que les Québécois de mon coin de pays ont hâte d’aller coucher à Brockville au 1er juillet et que bien des Ontariens (sans oublier une belle quantité d’Américains qui se moquaient bien de la latitude trop septentrionale de Saint-Félicien) se réjouissent à l’idée de venir prendre un 3 à 4 jours au fin fond du territoire québécois lors du long weekend de la Saint-Jean. Avez-vous vu, ces 10 dernières années, un drapeau québécois flambé au tout début de juillet ou un Ontarien jeté vif dans un feu de la Saint-Jean? Non, je ne crois pas. Les temps changent oui, et les événements sportifs internationaux d’envergure rapprochent les peuples, nous n’avons qu’à penser au rapprochement nord-coréen et américain. Mais n’oublions pas les événements plus locaux, ceux qui sont du quotidien et qui nous sont signifiants pour de vrai. Nombre sont ceux qui parlant l’anglais avait hâte d’être à Saint-Félicien le week-end dernier, le plus éloigné bastion du nationalisme franco-canadien en sol québécois, et qui ont eu tant de plaisir à y séjourner, à y boire de la bière et à y découvrir notre identité toute particulière. Nombre aussi de mes amis franco-canadiens, disons-le pour la plupart au plus fin fond de sud-ouest québécois de la province tout près de Valleyfield qui salivent à l’idée de passer le prochain week-end au château-fort de la rivale province. Les courses y seront enlevantes, la bière y coulera à flot et les discussions n’y seront pas si politiques. Mais ayez l’œil attentif, et j’y serai pour en témoigner, francos et anglos se partageront la bière, se prêteront des outils lorsque l’un ou l’autre ne l’aura pas en sa possession. J’ai été équipier pendant 3 ans dans une équipe de courses et j’ai vu les liens se tisser entre membres d’équipes pour former une deuxième famille lors de la belle saison estivale. J’aurai également réalisé que ces 300, voire 400 personnes, qui se réunissent sur le bord des lacs lors des compétitions d’hydroplanes, puis dans les bars pour certains afin de fêter les victoires en fin de week-end, permettent de confirmer qu’il n’existe pas de soi-disante suprématies culturelles ou d’ avantages identitaires présupposées de part et d’autre, mais bien l’idée de laisser place à l’esprit de camaraderie, d’entraide et d’avoir du plaisir, peu importe la frontière qui sépare ces entités, de ces passionnés de bolides filant à de folles vitesses sur les eaux de nos OS. Les Kennedy, Théorêt, Tremblay, Tate, Weber et Henderson font des milliers de kilomètres pour assouvir une passion, bien avant de figurer la langue par laquelle ils seront servis au Tim Horton ou au Applebee’s environnant le site de course, ils auront été voir si leur ami et adversaire de courses se sera rendu sain et sauf à l’endroit désigné et s’il veut une bière. Je n’ai jamais connu une aussi belle fraternité existant aux courses d’hydroplanes entre Ontariens et Québécois, je souhaite en mon plus profond de moi-même que le Saint-Laurent puisse continuer de couler dans le même sens, indépendamment d’où origine le Haut et le Bas Canada, mais que les bateaux virent toujours à gauche et que la politique d’identité pour chacun n’aille pas trop vers la droite. Jonathan Brodeur, Saint-Zotique