« Décrochons en règle » − Patrice Michaud

Le décor du spectacle Grand voyage désorganisé, lors de la première au MTelus, en novembre 2021. (Photo gracieuseté – Ville de pluie)
Grand voyage désorganisé se distingue de tous les spectacles de Patrice Michaud : plus ambitieux, plus «pressé serré», plus… organisé? Gravitant surtout autour de l’album du même nom, il profite aussi du bagage de plus en plus riche de l’auteur-compositeur-interprète.
«Il y a un narratif qui est beaucoup plus pressé serré avec les chansons, la scénographie, la mise en scène, les éclairages… Au niveau visuel, c’est certainement notre show le plus ambitieux! constate Patrice Michaud. On est assez fiers… Le décor est assez hot! Et il est au service du spectacle, pas juste pour faire beau.»
«Il y a un embarquement, un atterrissage, et entre les deux, ben des tounes, des moments où on rit, où on rit pu», poursuit celui qui sera sur la scène de Valspec le samedi 3 décembre.
S’il dit rester lui-même, soucieux de cet équilibre entre «la musicalité du show et la rencontre humaine», Patrice Michaud a eu envie d’un spectacle construit de la même manière que l’album sorti il y a un an.
«Sur Grand voyage désorganisé, les liens sont plus forts entre les tounes, il y a des thématiques plus fondamentales. On n’est pas dans le concept, mais on travaille de la même manière que l’album, dans le sens du vent dominant, où le show va nous déposer de manière naturelle», illustre-t-il.
Se greffent à ces nouvelles chansons celles qui, tirées de ses trois albums précédents, participent à ce mouvement.
«Mon doux que j’aime faire ce show! C’est vraiment chouette.»
-Patrice Michaud
Alex McMahon, qui signe la réalisation de l’album, a aussi été invité à la préproduction du spectacle en tant que directeur musical : une arme de plus pour assurer cette transition studio-scène.
«Rarement dans ces moments, on a une oreille extérieure qui va s’assurer qu’au niveau de la musique, du tone, de la sonorisation, du mix live, on ait quelque chose de cohérent avec l’album. C’était essentiel qu’il fasse le pont. Et Alex était aux anges! C’était l’extension de son travail. On pouvait se donner la main jusqu’à la fin.»
De l’organisé dans le désorganisé, et vice versa
Depuis presque un an, Patrice Michaud et ses musiciens (Mark Hébert, Marc Chartrain, Simon Pedneault, Marie-Pierre Bellefeuille et Luc Lemire) sillonnent le Québec avec Grand voyage désorganisé.
Le chanteur admet que le spectacle a peu changé depuis le début. «Ça bouge un peu, mais je ne suis pas très free jazz.»
La douzaine de premières représentations – en plus de la préproduction – ont servi à tester diverses propositions. Et au fil du temps, le tout s’est affiné.
«Ce qui bouge, c’est quand je m’énerve, que j’invente des affaires. C’est intéressant de le faire quand je sais où mes pieds retombent après, avance-t-il. Et pour en avoir fait l’expérience, quand c’est plus slack, je n’ai pas l’impression que les gens ont droit au meilleur show. C’est important de leur donner ce qu’on a de mieux.»
L’exercice de la tournée se situe quelque part entre l’organisé et le désorganisé, nuance le chanteur, lorsque questionné à ce sujet. «Ça désorganise une vie mais c’est très organisé!» résume-t-il, malgré les «petites épées de Damoclès» que constituent les risques de reports et annulations avec la COVID-19.
Pas de temps à perdre
Patrice Michaud admet que, si le risque – le désorganisé – peut être inspirant, l’inconnu s’accompagne d’une certaine crainte avec les années qui passent.
«Je ne sais pas pourquoi. Ça fait partie des questions que je me pose. Avant, j’avais plus de facilité à me lancer dans le vide, remarque-t-il. Peut-être parce qu’il y a maintenant plus de gens qui dépendent de moi et vice versa.»
La musique lui sert d’ailleurs d’exutoire. Et avec la pandémie, il ressent davantage l’urgence et constate à quel point les spectacles sont des moments précieux.
«Assez rapidement, les gens comprennent qu’on a 14 ans quand on joue! Chaque show, on veut le chérir et on invite les gens à faire pareil. On dit de ne pas attendre à la sixième toune pour prendre ses aises. On n’a plus de temps à perdre! Je suis un peu intransigeant là-dessus.»
«Je le dis souvent, ajoute-t-il : le but, c’est de ne plus trop savoir où est stationné le char en sortant. Décrochons en règle, libérons de l’espace.»
Sortir de sa cour
(Photo: Gracieuseté - Andréanne Gauthier)
Se tourner vers l’autre, voilà le modus operandi de Patrice Michaud lorsqu’il est temps d’écrire des chansons. L’empathie doit être selon lui la principale qualité d’un créateur.
«Cet album est probablement le plus personnel, mais il ne déroge pas de ma façon d’aborder la musique, soutient celui qui dit se méfier des «chansons au je». Je n’ai jamais été porté naturellement à me mettre en sujet. Je préfère que mes filtres colorent quelque chose à l’extérieur de moi. Je sors de ma cour.»