Chronique
Opinion

Tintin à Winnipeg

le jeudi 30 avril 2015
Modifié à 0 h 00 min le 30 avril 2015
Par Mario Pitre

mpitre@gravitemedia.com

SALABERRY-DE-VALLEYFIELD - Si jamais le personnage de Tintin avait poursuivi ses aventures jusqu’au Canada, plus précisément à Winnipeg, il aurait lui aussi trouvé les nuits bien longues…

Radio-Canada rapportait cette semaine que le réseau des bibliothèques de la capitale manitobaine a décidé de retirer la bande dessinée Tintin en Amérique en raison de la manière «stéréotypée et raciste» avec laquelle Hergé y présente les Autochtones.

Étonnant que des gens de bibliothèque, supposément conscients des contextes dans lesquels les œuvres littéraires ont été écrites, même dans les bandes dessinées, se transforment en bachibouzoukes et ne soient pas en mesure de prendre le recul nécessaire à la compréhension de l’œuvre de Hergé.

Tintin en Amérique a été publié en 1932 et témoigne donc de la perception que le simple lecteur avait à l’égard de ceux que l’auteur présente comme des «peaux rouges». J’ose croire que Hergé n’avait aucune intention raciste en utilisant cette expression. Il prenait même soin de décrier la manière dont les «Indiens» étaient traités par leurs vis-à-vis blancs.

Mais notre ami reporter n’en est pas à ses premiers reproches du genre. Il y a quelques années, un lecteur britannique avait soulevé une autre plainte de racisme à l’égard de l’album Tintin au Congo, à cause de la manière dont les noirs y sont représentés. Il faut toutefois signaler que l’on tuait également de l’éléphant à tour de bras dans Tintin au Congo. Incidemment, Le Lotus bleu présentait les Chinois comme des «addicks» d’opium.

S’il fallait retirer des tablettes tous les ouvrages écrits dans les siècles passés dans lesquels on retrouve racisme, sexisme, exhibitionnisme et autres perceptions négatives à l’égard de certaines franges de la population, la littérature en serait largement appauvrie.

Ici encore, on a affaire à une grave atteinte à la liberté d’expression, pire encore, une liberté d’expression qui n’a pas été filtrée par le prisme des années. À cet égard, je souris toujours en revoyant cette scène desBelles histoires de Pays d’en haut, dans laquelle Bidou félicite la femme du marchand général pour sa belle corporance. «Je vous dis que vous maigrissez pas vous madame !», dit-il au grand plaisir de celle-ci. Le mérite des œuvres littéraires, c’est aussi de nous faire prendre conscience de l’évolution des mœurs et coutumes.