Opinion

Si je m’appelais Danny Desriveaux

le jeudi 11 juin 2020
Modifié à 16 h 00 min le 11 juin 2020
Par Eric Tremblay

etremblay@gravitemedia.com

J’ai toujours su que j’avais le profil d’un homme blanc privilégié. Samedi, un joueur des Alouettes me l’a rappelé dès le réveil. Dans La Presse, Danny Desriveaux, le footballeur à la retraite a évoqué ses difficultés à se tailler une place dans la sphère médiatique. Le titre du texte : «Si je m’appelais Éric Tremblay». Rapidement, mes amis ont soulevé le tout à la blague sur mes réseaux sociaux. J’ai même joué le jeu, publiant une photo coiffée du titre «Si je m’appelais Danny Desriveaux». Et vous savez quoi ? Je ne sais pas si ma vie aurait été différente si je m’appelais Danny Desriveaux. Je ne peux interchanger mon nom avec le sien et comprendre sa réalité. Il n’est pas moins Québécois que moi. On n’a pas la même couleur de peau, tout simplement. Dans ma jeunesse à Valleyfield, peu d’enfants provenaient d’une minorité ethnique. J’ai eu Claudette St-Dic comme enseignante à Dominique-Savio. Un ami qui s’appelait Vicente. Je me souviens d’une équipe de profs de cheminement particulier qui s’était déguisée en Jackson Five à l’Halloween de concert avec un collègue qui était noir. (Faisait-il Tito ou Michael ?) En Blackface comme Justin Trudeau. Mais la minorité n’était pas vraiment visible. Valleyfield était blanche dans mon jeune temps. À l’Université, j’ai été une minorité visible. Dans mon minuscule 1 (la salle de bain était partagée) des résidences de Québec, j’étais au centre d’Africains, de Moyen-Orientaux ou d’Asiatiques. Et jamais je ne me suis senti différent. Peut-être culturellement, mais ça n’avait rien à voir avec la couleur. Je me rappelle la Coupe d’Afrique de soccer qui avait permis à des résidents d’afficher leur fierté. C’est pas mal la même chose que la fièvre du Canadien lorsqu’il fait les séries. Et aujourd’hui, on est en 2020. Valleyfield est un peu moins blanche. Le comté a élu une députée d’origine vietnamienne. Deux fois plutôt qu’une même. On voit des gens de minorité visible au Collège, à l’hôpital ou dans les commerces. Je suis né à Valleyfield. Danny Desriveaux à Laval. J’ai le format d’un joueur de ligne offensive et il a joué receveur. On se ressemble plus qu’on pourrait le croire.