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Mieux vaut prévenir que… subir – Version 2.0

le lundi 23 mai 2022
Modifié à 16 h 06 min le 20 mai 2022

L'ancienne caserne de police-incendie logera deux nouveaux restaurants. (Photo Journal Saint-François Mario Pitre)

Encore une fois, l’infolettre de la Ville de Salaberry-de-Valleyfield, datée du 13 mai dernier, nous apprend l’arrivée prochaine d’un nouveau commerce annoncé comme étant le GREEN GAZOLINE BURGER (GGB). Un nom on ne peut plus anglophone qui laisse nous poser bien des questions pertinentes. (Au fait, ne devrait-on pas le traduire par Burgers verts à l’essence, ce qui n’est pas très appétissant, avouons-le…?)

Puis, jeudi dernier, on nous annonçait la venue d’un autre commerce, appelé « Angela & I ».

Cette fois, c’en est trop ! Nos élus municipaux qui ont accepté de délivrer le permis d’exploitation ne savent-ils pas qu’il existe une loi québécoise gérant, entre autres, l’affichage en français ? Ont-ils été délibérément « timides » au point de ne pas avertir les propriétaires de l‘existence de cette section de la loi 101 ?  Ne sont-ils pas les responsables locaux de cette application ? S’ils ne le savent pas, doit-on, comme citoyen, en faire plainte à l’Office Québécois de la Langue Française ?

De plus, les propriétaires savent-ils qu’un affichage unilingue anglais destiné à une clientèle très majoritairement francophone constitue, au Québec, un manque de respect flagrant tout en faisant preuve d’un mépris évident envers cette même clientèle ? Devra-t-on aller jusqu’au boycottage pour leur faire comprendre ?

D’un autre côté j’ai déjà écrit dans le Journal Saint-François du 19 mai 2021, un texte sur un sujet connexe intitulé « Pour devenir la vraie Capitale régionale du Suroit », dans lequel je mentionnais la nécessité d’attirer des commerces de grandes surfaces pour justifier ce slogan.  

Parallèlement, les autorités municipales ont mentionné maintes fois que « La Caserne » jouerait le rôle de chef de file pour attirer les commerces et raviver le centre-ville. À ce sujet n’est-ce pas une grave déception de constater que le premier commerce annoncé pour ce faire est encore une boîte de « restauration rapide » ?  Ne dit-on pas depuis longtemps qu’on en a assez de la restauration rapide et des stations d’essence à Salaberry-de-Valleyfield ? Où sont donc les commerces et restaurants démontrant l’envergure attendue que l’on sait si attirante ? Où sont les restaurants suffisamment hauts de gamme pour attirer une clientèle plus nombreuse, plus variée et plus rentable ?

« Tant qu’à y être », comme dirait notre Dave M. national, faudrait-il transformer ce slogan en « Capitale régionale de la restauration rapide et des postes d’essence » ? Ne serait-ce pas plus près de la vérité ? Ne serait-ce pas là la plus grande déception pour les Campivallensiens qui commencent à croire en leur ville et qui sont en phase d’en devenir fiers ?

Toutes les questions précédemment mentionnées ne peuvent-elles pas signifier justement que « MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE… SUBIR », puisque toute cette revitalisation du centre-ville n’est pas encore terminée ?  N’est-il pas encore temps de régler tous ces problèmes avant qu’il ne soit trop tard et d’en subir les conséquences ?
Jocelyn Gagnon
Salaberry-de-Valleyfield

LE MAIRE MIGUEL LEMIEUX RÉPOND

Monsieur Gagnon, 
Sachez d’emblée que je partage tout à fait votre désir de voir nos commerçants opter pour des noms de commerces francophones. Néanmoins, plusieurs passages de votre lettre me rendent perplexe. Permettez-moi donc de rectifier le tir au sujet de certaines de vos questions.
 
Après un premier paragraphe d’introduction, votre deuxième paragraphe se veut un réquisitoire envers les édiles municipaux à propos d’un sujet sur lequel ils n’ont pas le plein contrôle. En effet, la Ville ne choisit pas le nom des commerces qui s’établissent sur son territoire et ne tranche pas non plus sur la légalité de leur appellation. Cette tâche revient à l’Office québécois de la langue française. Lorsqu’un permis est émis pour l’affichage d’un commerce, il est bien indiqué qu’il est de la responsabilité du commerçant de se conformer à la loi. Bref, la Ville statue sur le style, l’apparence, de l’affiche et l’Office statue sur sa légalité par rapport à la loi. Faire un procès à l’appareil municipal m’apparaît donc pour le moins injuste.
 
Je me questionne par ailleurs à savoir sur quoi vous vous basez pour déterminer que l’affichage n’est pas légal, alors que l’affichage en question n’a pas encore été approuvé et donc, encore moins dévoilé. Si vous trouvez la loi trop laxiste, ce sur quoi par ailleurs je pourrais aussi vous donner raison, ce n’est pas au palier municipal qu’il faut vous en prendre. Notre cour est déjà bien assez pleine comme ça.
 
Votre troisième paragraphe questionne le choix des commerçants d’opter pour des noms à consonnance anglophone. Encore une fois ici, bien que fort légitime comme questionnement, c’est aux commerçants directement qu’il faut adresser cette remarque. La Ville n’est pas responsable de leurs choix d’affaires.
 
Votre quatrième paragraphe est celui qui vient me chercher le plus car, en tout respect, il m’apparaît plutôt malhonnête. Encore une fois, vous semblez sous-entendre que c’est la Ville qui choisit quels restaurants sont autorisés à s’installer dans un bâtiment privé. Vous savez pertinemment bien que ces discussions se font entre les locateurs et les locataires. La Ville n’a pas de droit de veto. En outre, le fait que vous n’appréciez pas ce menu en particulier n’enlève rien au fait qu’un restaurant susceptible d’attirer un fort achalandage peut être une fort bonne nouvelle pour attirer des gens au centre-ville, faire en sorte que des marcheurs arpentent ses rues et passent devant les vitrines de chaque commerce.
 
Enfin, résumer l’ensemble de la démarche de revitalisation du centre-ville à cette seule bannière relève de la plus pure mauvaise foi. N’avez-vous jamais entendu parler du nouvel emplacement du Local du gourmet, splendide établissement installé depuis quelques mois à côté de la Librairie Boyer? Ce dernier offre une cuisine de haute qualité, une épicerie fine, de même que des cours de cuisine. Nous sommes ici dans la très haute qualité.

Il y a à peine quelques semaines, nous annoncions l’arrivée de Kuto, établissement branché spécialisé dans les tartares. Est-ce du « fast food »? Et que dire de l’ouverture imminente de Tôt ou tard, café buvette? Un restaurant visant le haut de gamme qui offrira de la nourriture de qualité de même qu’une sélection de vins d’importation.

Pouvez-vous me nommer un seul autre établissement dans la région qui offre cette option? Juste à côté se trouve Jazz, un restaurant spécialisé en sushis jouissant d’une enviable réputation. Est-ce de la malbouffe? On trouve également, à quelques coins de rue de la Caserne, La Nouvelle-Orléans, établissement servant de la nourriture de style louisianais.

À deux minutes de marche se trouve aussi depuis peu un restaurant offrant uniquement de la nourriture keto. Nulle part dans la région nous ne retrouvons une offre pareille. Bref, pour en arriver à parler de « capitale de la restauration rapide », il faut vraiment sélectionner ce qui fait notre affaire et évacuer tout le reste.
 
Je vous prie de pardonner mon ton qui peut paraitre émotif, mais je me suis donné pour objectif de combattre les caricatures que certains tentent de faire de notre ville. Je sais très bien également que vous êtes de bonne foi et que, tout comme moi, vous souhaitez le mieux pour Salaberry-de-Valleyfield.
 
Je vous réitère enfin que je partage à 100 % votre souhait de voir nos commerçants opter pour des noms clairement francophones. Mon parcours politique ne laisse pas de doute à savoir où je loge sur cette question. Il est néanmoins important de comprendre que les villes n’ont pas tous les pouvoirs et que, bien que nous puissions faire de la sensibilisation, le dernier mot ne nous revient pas.
 
Au plaisir, monsieur Gagnon, d’avoir l’opportunité de vous croiser prochainement et que nous puissions avoir une belle et agréable discussion à ce sujet.
 
Miguel Lemieux
Maire