Opinion

Les mots dits

le jeudi 15 juin 2017
Modifié à 0 h 00 min le 15 juin 2017
Par Eric Tremblay

etremblay@gravitemedia.com

Samedi soir, j’ai eu la chance d’assister en direct de Chez Roger à l’émission radiophonique La soirée est (encore) jeune. Parmi les invités, Michel Tremblay, du haut de ses 74 ans, avait des propos très intéressants sur le français de notre époque.

Certains parlent de la langue de Molière pour le français, la langue de Shakespeare pour l’anglais et la langue de Tremblay pour le joual.

Lors de la diffusion première des Belles-sœurs il y a près de 50 ans, le texte avait fait scandale.

Le dramaturge a expliqué que le joual venait des gens de la campagne, nouvellement installés à Montréal. Les hommes allaient travailler dans les industries à majorité anglophone. Les femmes à la maison ont préservé le français à la maison. Les femmes traduisaient à l’oreille les expressions anglophones ramenées à la maison par leur mari. Ainsi sont nés bécosse (back house), enfirouapé (in fur wrapped). Le joual était le néologisme de l’époque. Un langage inventif qui a traversé les époques.

Je pensais à ma grand-mère, qui voit ses voisins parfois mover le 1er juillet ou qui va faire la grocerie chaque semaine. Et elle dit qu'elle ne parle pas anglais !

Le franglais, sorte de joual 2.0, est sur nos langues. Un dialecte qui, by the way, s’est imposé sans que l’on s’en rende vraiment compte. Nevermind disait le Survenant.

Au moment où la Loi 101 fête ses 40 ans, on peut toujours se questionner où va le français. Doit-on se féliciter du franglais ? Est-ce la clef (clé?) pour la maintenir en vie ? Ou l’arbre qui cache la forêt (foret ?) ?

C’est une langue belle avec des mots superbes, qui porte son histoire à travers ses accents chantait Duteil. La chanson date, bien qu’elle semble toujours d’actualité. Le français s’est modifié, morcelé, paraphrasé, n’empêche, il est toujours présent au Québec, plus de 400 ans après ses premiers mots prononcés dans la province.

Le français de notre époque délie sa langue pas dans un but de la massacrer mais de la maintenir en vie. Ce n’est pas mon goût musical, mais les rappers du Québec ont un flow qui utilise bien souvent un grand étendu du vocabulaire disponible. Jouer avec les mots, ses sonorités, sa richesse. L’originalité est un bouillon de vitalité dans les oreilles.

Le joual qui soulevait l’ire de certains en 1965 s’est imposé comme un caractère distinctif.

Aujourd’hui, doit-on craindre notre français ou s’en réjouir ?