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COVID-19

Impossible de mettre le deuil sur pause

le lundi 27 avril 2020
Modifié à 6 h 54 min le 27 avril 2020
Par Eric Tremblay

etremblay@gravitemedia.com

Il y a une certitude qui perdure; après la vie, vient la mort. Mais dans le contexte actuel, les familles éprouvées ont de la difficulté à vivre leur deuil. Le travail des thanatologues est entouré de nombreux défis, que ce soit dans la pratique même du métier que moraux. «Mettre le deuil sur pause, ça ne fait aucun sens, reconnaît Jean-Michel Montpetit, des Centres funéraires E. Montpetit et Fils. Être capable de se témoigner des sympathies entraîne une certaine paix. Mais c’est complètement évacué du processus en ce moment. » Depuis le 12 mars, il a procédé à un très petit nombre de cérémonies funéraires. André Larin, du complexe funéraire et crématorium J.A. Larin et Fils est dans la même situation. «On a procédé à quelques funérailles, mais avec de très petits groupes, informait-il. On a prévu la disposition de l’ameublement pour respecter la distanciation de 2 mètres en plus d’avoir ajouté des pompes de désinfectant à mains. » Néanmoins, la grande majorité des cérémonies est repoussée. «Toutes proportions gardées, il y a plus de décès naturels que de gens qui meurent de la COVID-19, ajoute M. Montpetit. Mais toutes les familles vivent l’impact de cette maladie. » C’est un choix de retarder le deuil. M. Larin assure que son équipe soutient l’entourage afin de ne pas escamoter ce dernier au revoir. Le contexte n’est pas facile pour les familles endeuillées ni pour les entrepreneurs qui se sentent bousculés dans leurs habitudes. «Par nature, on est là pour faciliter l’épisode vécu par la famille, laisse entendre M. Montpetit. Mais en jasant avec ma gang, on a l’impression d’être des obstacles. Les règles vont à l’encontre de notre façon de procéder habituelle en raison du contexte et de la peur. » Réalité changée Contrairement au mythe qui a été propagé, le corps d’une personne décédée du coronavirus n’est pas nécessairement envoyé à la crémation. Toutefois, un grand protocole de sécurité entoure la dépouille. «On ne peut procéder à des embaumements, mentionne Jean-Michel Montpetit. Lorsqu’on va récupérer un corps, on lui appose d’abord un linceul sur le visage pour protéger ce qui pourrait être projeté par les poumons. On dépose ensuite la personne dans deux linceuls, une première plastifiée puis une autre plus résistante. Et chacun d’eux est désinfecté. » Si on décide de procéder à une mise en terre du corps, celui-ci ne pourra toutefois pas être exposé. Les éventuelles cérémonies devront avoir lieu avec un cercueil fermé. «On a des précautions à prendre avec toutes les maladies à déclaration obligatoire, laisse entendre M. Larin. Dès le mois de février, on avait fait l’achat d’équipements en plus d’avoir rafraîchi nos procédures. Avec quelques pratiques, on a pu démystifier tout ça. » Les deux entrepreneurs disent avoir assez d’espaces pour conserver les corps, ou les urnes, dans des endroits sécuritaires et qui respectent la dignité. On s’attend à voir des cérémonies se dérouler de façon plus naturelle une fois de retour à la vie normale. Mais sûrement en petit groupe, de façon plus intimiste On sent que la situation marque leur esprit. «Dans les CHSLD on voit des règles différentes, souligne M. Montpetit. Certains traitent ça comme une grippe alors que d’autres sont en zone de guerre. J’en ai vu des choses en 35 ans, mais là je dois dire que j’ai été témoin de l’enfer d’une certaine forme. »