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Des excuses pour son grand-père emprisonné en 1940

le samedi 05 juin 2021
Modifié à 10 h 18 min le 23 juin 2021
Par Mario Pitre

mpitre@gravitemedia.com

Daniel Doganieri a vécu des moments empreints d’émotions récemment, alors que le gouvernement canadien s’est excusé officiellement d’avoir arrêté et emprisonné quelque 600 personnes d’origine italienne en mai 1940, dont son grand-père, Nicola Doganieri.

Le résident de Saint-Zotique a pris part à deux rencontres virtuelles à la fin-mai, en marge de cette cérémonie, dont une en présence du premier ministre Justin Trudeau et du ministre de la Justice David Lametti; tout comme son père, Joseph Romano Doganieri aujourd’hui âgé de 90 ans, et quelques-unes de ses tantes qui ont été des victimes collatérales de ces événements.

Ces excuses attendues depuis 40 ans par la communauté italienne ont un écho particulier pour la famille Doganieri et leurs proches, car ces événements sont longtemps restés tabous parmi eux.

Ce n’est que depuis 10 ans que l’histoire de ces arrestations sommaires a refait surface dans la famille, alors qu’une photo ancienne montrant des membres de la communauté ayant été arrêtés le 10 juin 1940 a paru dans le quotidien The Gazette. Sur cette photo, au bas à l’extrême gauche apparaît son grand-père, Nicola Doganieri.

Journaliste et éditeur

Arrivé au Canada au début du siècle à l’âge de 3 ans, le grand-père Nicola Doganieri demeurait dans la Petite-Italie où il publiait un petit journal appelé Operaio Italo Canadese.

Nicola Doganieri comptait parmi les quelque 600 Canadiens d’origine italienne emprisonnés de 1940 à 1943. (Photo Gracieuseté Joyce Pillarella)

Le 10 juin 1940, alors que le Canada du premier ministre Mackenzie King déclarait la guerre à l’Italie fasciste de Mussolini, la GRC a procédé à une rafle en règle au sein de la communauté italienne afin d’y démasquer de possibles collaborateurs. 

Doganieri était-il totalement blanc comme neige ? Une de ses filles a indiqué au quotidien The Gazette qu’il avait certaines opinions fascistes. Mais il demeure que d’autres Québécois de toutes origines ont aussi entretenu une même sympathie pour les idées de droite en vigueur à cette époque.

« La GRC a fait irruption chez lui, ils ont tout viré à l’envers pour tenter de découvrir des documents compromettants, raconte Daniel Doganieri. Ils ont saisi ses biens, fermé le journal car il était considéré comme un élément subversif. »

Le suspect Doganieri était alors âgé de 38 ans. Son arrestation allait laisser sa femme Francesca et leurs sept enfants, dont deux handicapés, sans nouvelles de lui pendant trois ans, jusqu’à sa libération.

Durant ces trois années, Nicola Doganieri a été détenu à Fredericton, puis au camp de Petawawa, où il a notamment côtoyé l’ancien maire de Montréal, Camilien Houde. Il aura aussi été empêché d’assister aux funérailles de sa fillette de 3 ans.

Puis, à sa libération en 1943, Nicola Doganieri n’était plus le même homme, c’était un homme brisé, raconte son petit-fils. En fait, c’est toute la communauté qui a été affectée. Certains ont choisi de changer de nom, de déménager, certaines mères préféraient se teindre les cheveux en blond ou empêchaient les enfants de parler italien, de peur d’être stigmatisés.

Nicola Doganieri est décédé en 1970 à l’âge de 67 ans, alors que son petit-fils Daniel n’avait que 16 ans. « En bout de ligne, c’est malheureux car il n’aura jamais été là pour accepter les excuses du gouvernement », se désole ce dernier.