Opinion

Salut Éric

le mercredi 11 octobre 2017
Modifié à 14 h 44 min le 11 octobre 2017
Par Steve Sauvé

ssauve@gravitemedia.com

Je fais de la lutte professionnelle depuis 23 ans. C’est identique à ce qui est possible de voir en écoutant une émission de la WWE à l’exception du cachet. Comme plus de 99 % des lutteurs au monde, je le fais par passion. Le domaine de la lutte professionnelle est restreint au Québec, tous les lutteurs se connaissent. Il n’est pas rare que des amitiés se forment entre les lutteurs puisque nous partageons tous la même passion. Depuis mes débuts à la lutte, à l’âge de 18 ans, j’ai fait environ 1000 combats. Ils n’ont pas tous passé à l’histoire, mais j’en garde de très bons souvenirs. Malheureusement, c’est le dimanche 8 octobre 2017 qui restera gravé dans ma mémoire à tout jamais. Je participais à un événement caritatif afin d’amasser des fonds pour la Fondation ICW maladie de Crohn. Pour l’occasion, j’étais avec plusieurs lutteurs et amis dans le vestiaire à attendre que mon tour d'embarquer dans l'arène arrive afin de performer. La fédération de lutte ICW, c’est mon point d’attache à la lutte professionnelle. C’est pratiquement le seul endroit où je performe. Je connais tous les lutteurs et plusieurs d’entre eux sont mes amis. J’aime profondément ces personnes. Si le dicton affirme que l’on ne choisit pas sa famille, dans mon cas, à la lutte, j’ai choisi ma fédération. C’est donc ma famille de lutte. Il ne faut pas croire que derrière le rideau les lutteurs sont des brutes ou des déficients. Au contraire, dans le vestiaire, il y a des policiers, des informaticiens, des déménageurs, des journaliers et même qu’à une fédération en Estrie, il y a un député. Donc, il est possible d’avoir une conversation intéressante sur divers sujets. C’est une franche camaraderie. Malheureusement, dimanche dernier, un lutteur est décédé sous mes yeux. Éric Denis, un homme âgé de 40 ans, avec qui je partage l’arène depuis plus de 10 ans, a fait un infarctus. Un lutteur du nom de Guy Gagné et moi avons prodigué un massage cardiaque à Éric en attendant l’arrivée des premiers répondants. Il n’a jamais repris conscience. Mon ami, qui est père de six enfants et un conjoint exemplaire est décédé. Peu de temps avant d’embarquer dans l’arène, Éric disait avoir une douleur au dos depuis un certain temps. Ce mal était possiblement un signe de ce qui se préparait. Il n’y a pas de mot pour décrire mes sentiments. J’aimerais sincèrement revenir en arrière pour lui dire de ne pas embarquer dans l’arène. Toutefois, il est trop tard. Éric m’aura cependant prouvé deux choses importantes. Qu’il faut écouter son corps et que la vie est si fragile. Personnellement, je suis croyant. Je crois en Dieu et au paradis. J’ose imaginer qu’Éric nous regarde confortablement assis sur un nuage, qu’il veille sur sa conjointe Jessika et sur ses enfants. Qu’il séchera leurs larmes en leur apportant du réconfort. Je ne peux m’imaginer le contraire. Je sais que les prochaines fois que je serai dans l’arène, que je ne serai pas seul. Qu’un ange veillera à ce que le combat se déroule bien. Éric, j’aurai aimé ne jamais avoir à écrire ce billet. Je le trouve cruel, mais libérateur. Je suis convaincu que tu le liras à ta manière autant que je suis persuadé que tu as déjà trouvé la solution à la discussion que nous avions quelques instants avant que tu fasses ton entrée dans l’arène. Que se passe-t-il avec nos Canadiens? Salut mon chum!